Cher Kevin, j’ai besoin de dire au revoir à quelqu’un qui m’est cher, quelqu’un qui est encore là, alors je m’adresse à toi. Tu as été bon avec moi et parfois en ta compagnie il m’est arrivé de me souvenir de celle que j’avais été avant que tout ne change. Mais je faisais semblant, je faisais semblant de ne pas tout avoir perdu. J’aimerais croire que tout pourra rentrer dans l’ordre, j’aimerais croire que je ne survis pas au milieu des ruines d’une civilisation éteinte, j’aimerais croire qu’il est encore possible de partager des choses avec quelqu’un mais le contraire est plus facile. C’est plus facile parce que je suis lâche et je ne veux plus souffrir, pas à nouveau. Je sais que ce n’est pas juste vis-à-vis de toi, tu as perdu tellement toi aussi et pourtant tu es fort, tu es resté. Moi je ne peux pas, plus maintenant, j’ai essayé d’aller mieux, je ne voulais plus souffrir comme ça, alors j’ai pris un raccourci, mais ça m’a ramené directement chez moi. Et tu sais ce que j’ai trouvé, une fois rentré ? Je les ai retrouvés, pile là, où je les avaient laissés, là où eux m’avaient laissée. Il m’a fallut trois ans pour accepter la vérité mais aujourd’hui je sais qu’on ne peut plus retourner en derrière, on ne peut rien arranger. Je suis un cas désespéré. Peut-être, sommes-nous tous des cas désespérés. Je ne peux plus continuer à vivre comme ça, mais je n’ai pas la force de mourir, j’ai besoin d’une direction à suivre, d’un but à atteindre, n’importe lequel, je ne sais pas trop où je vais aller, si ce n’est, loin de d’ici, loin de tout ceci, je pense à un endroit où personne ne saura ce qui m’est arrivé. Mais alors j’ai peur de les oublier et je ne veux pas les oublier. Je n’en n’ai pas le droit. Ils étaient ma famille. Je crois t’avoir aimé Kevin, peut-être m’as-tu aimée, toi aussi. J’aurais préféré te dire ces mots de vive voix plutôt que de les écrire, j’aurais aimé te voir une dernière fois pour te remercier et te souhaiter bonne chance, te dire à quel point tu comptes pour moi. Mais je n’en suis pas capable, comme je te l’ai dit, je suis lâche, alors souhaite-moi bonne chance, je crois que je vais en avoir besoin. Je t’embrasse. Nora.