- Pardon, du thé ? - Volontiers, oui merci… C’est lui ? - Non, ça c’est mon chien. - Oh, bien sûr oui… Parlez-moi de lui, j’le connaissais assez peu finalement. - C’était un très beau berger allemand, bien dressé, on a tous les papiers. - Non, non, je parle de votre mari. - Jacques… ils me l’ont massacré avec la faucille et le marteau, mais si vous l’aviez vu entier, un très bel homme, bien propre, généreux… Pardon du sucre ? - 16… C’est amusant parce que le film dont j’m’occupe c’est l’histoire d’un type qui tue les gens à la faucille et au marteau, c’est incroyable, non ? - Oui… Regardez, c’est son dernier cadeau, j’lui ai dit Jacques mais c’est de la folie, il faut vendre la caravane, vous savez ce qu’il m’a dit ? Il m’a dit banco. - Oh, l’effet que ça m’a fait c’matin quand j’ai ouvert le journal et qu’jai vu qu’on parlait de mon film… - J’l’entends encore : banco, un vrai capricorne celui-là. - Remarquez, forcément, j’suis attachée de presse, alors qui dit attaché de presse dit presse. - Pour ce qu’on s’en servait de cette caravane en plus. - Mais quand j’pense qu’il a fallu un meurtre pour qu’on parle de mon film, c’est quand même hallucinant, non ? Enfin quand je dis parler, y’a un journal qui en a parlé. - On s’en ait jamais servi de la caravane… Ah si, une fois. - Non, deux, y’a eu deux journaux, remarquez qui aurait été en parler, j’ai personne du film… Le metteur en scène, il est à l’asile ; le producteur il est en taule ; le comédien… Ah si, j’crois qu’il est libre, j’crois qu’il a rien tourné depuis. - Vous croyez qu’on s’en serait servi de la caravane, eh bien non, ça faisait des mois qu’elle traînait dans le garage à prendre la poussière. - Parce que si je le fais descendre, alors là, j’fais monter la sauce, des gardes du corps, tout l’tralalala, en plus j’vois déjà les titres des journaux : la vedette de Read is Dead descend à Cannes au péril de sa vie, oh, c’est bien ça, vous avez un téléphone ? - J’lui ai dit : « Jacques, c’est l’hermine ou la caravane », il a dit « banco ».
- L’enterrement aura lieu mardi prochain je pense. - Mardi ! Ah non… Je ne crois pas… Sinon je serais venue avec plaisir. - C’est gentil. J’espère au moins que le soleil sera de la fête, c’est plus gai, enfin moins triste.